La théorie des jeux

Imaginez que vous soyez arrêtés avec un complice pour un délit. On vous demande de passer aux aveux. Le procureur vous présente plusieurs options : 

    1. Si vous dénoncez l’autre et qu’il se tait, vous êtes libre et il est condamné. 
    2. Si vous vous trahissez mutuellement, vous êtes tous les deux punis, mais moins lourdement. 
    3. Si aucun de vous ne parle, vous vous en sortez avec une peine minimale.
    4. Si vous vous taisez mais que l’autre vous dénonce, vous êtes condamnés à la peine maximale et l’autre libéré.

Que décidez-vous ? 

Cette situation est connue sous le nom du dilemme du prisonnier. Cet exemple est l’une des illustrations les plus célèbres de la théorie des jeux. Tous les jours nous sommes confrontés à ces jeux stratégiques : en négociant un salaire, en gérant un conflit, en faisant des choix politiques ou même dans nos choix relationnels. Dans cet épisode, explorons les fondements de la théorie des jeux pour comprendre les mécanismes qui influencent nos décisions ainsi que les enseignements que nous pouvons en tirer. C’est parti ! 

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La théorie des jeux

Qu’est-ce que la théorie des jeux ?

La théorie des jeux est une branche des mathématiques et de l’économie qui étudie la façon dont des acteurs rationnels prennent des décisions dans des situations où leurs choix sont interdépendants.

Origines

Les grands principes sont formalisés dans les années 1940 par le mathématicien John von Neumann et l’économiste Oskar Morgenstern. Ils sont ensuite progressivement enrichis notamment par John Nash avec le concept d’équilibre de Nash, un état dans lequel aucun joueur n’a intérêt à changer de stratégie unilatéralement.

Types de jeux

La théorie des jeux s’appuient sur des paramètres centraux qu’il convient de prendre en considération : 

    • Jeux coopératifs vs non coopératifs : est-ce que les participants peuvent ou non former des alliances ?
    • Jeux à somme nulle vs à somme non nulle : est ce que les gains des uns sont les pertes des autres ou est-ce que tout le monde peut gagner (ou perdre)
    • Jeux simultanés vs séquentiels : est-ce que les joueurs jouent en même temps ou l’un après l’autre.

Exemples emblématiques de la théorie des jeux

Prenons plusieurs exemples pour illustrer ces principes :

Le dilemme du prisonnier

C’est le modèle emblématique de la théorie des jeux que l’on a décrit en introduction. Deux suspects sont interrogés séparément. La coopération est dans leur intérêt commun, mais la tentation de trahir pour obtenir un avantage personnel peut aussi inciter à choisir la trahison, pouvant mener à un résultat sous-optimal pour les deux.

La guerre froide : l’équilibre de la terreur

Les États-Unis et l’URSS ont maintenu un équilibre stratégique en évitant un conflit direct. Chaque camp savait que l’attaque entraînerait une riposte destructrice. Cet équilibre instable illustre le concept d’équilibre de Nash.

Les enchères : la logique de la surenchère

Dans certaines enchères, comme l’« enchère au dollar », les participants continuent de surenchérir au-delà de la valeur même de l’objet mis en jeu, uniquement pour ne pas perdre leur mise précédente. Ce mécanisme illustre l’économie de l’escalade irrationnelle : une décision stratégique initiale entraîne une suite de choix de plus en plus coûteux motivés par la peur de perdre, plutôt que par la logique du gain. 

Le problème du “passager clandestin”

Dans un projet collectif, chacun peut choisir de contribuer ou de laisser les autres faire le travail. Ce phénomène survient lorsque des individus bénéficient d’un bien ou d’un service collectif sans y avoir contribué. Comme leur contribution n’est pas indispensable à court terme, ils peuvent être tentés de ne rien faire, en pensant que d’autres compenseront. Cependant si trop de gens adoptent cette stratégie, le projet échoue ou produit moins de valeur pour tout le monde. On retrouve ce mécanisme dans de nombreux domaines, comme les impôts, la gestion des ressources naturelles ou les travaux d’équipe à l’école.

Applications concrètes de la théorie des jeux

Ces exemples emblématiques ne sont pas que des abstractions théoriques : ils ont des implications très concrètes dans le monde réel. C’est pourquoi, la théorie des jeux est utilisée dans de nombreux domaines pour analyser, anticiper et orienter les comportements stratégiques :

    • En économie pour comprendre la fixation des prix, les politiques de concurrence ou les comportements de cartel entre entreprises.
    • La négociation au niveau des accords commerciaux, des médiations diplomatiques ou des relations sociales.
    • En politique pour analyser la formation d’alliances, les tactiques électorales ou les décisions stratégiques entre États.
    • En psychologie sociale afin de modéliser les dynamiques de coopération, d’engagement ou de trahison au sein des groupes.
    • En intelligence artificielle, notamment dans la programmation d’agents autonomes capables d’interagir de manière optimale dans des environnements complexes.

Enseignements clés

Même si la rationalité parfaite est rarement observée dans la vraie vie. Même si certaines situations réelles sont trop complexes pour être modélisées. Même si les biais cognitifs et les émotions influencent fortement nos décisions. La théorie des jeux nous offre plusieurs enseignements que l’on peut appliquer à notre niveau :

    • Il est essentiel d’anticiper les choix des autres pour prendre de bonnes décisions.
    • La coopération est parfois plus rentable que la compétition.
    • L’intérêt individuel peut nuire au bien commun, comme le montre le paradoxe de Nash.
    • La stratégie dominante n’est pas toujours la meilleure à long terme.
    • Savoir influencer ou signaler ses intentions change la dynamique d’un jeu.
    • Construire la confiance peut transformer un jeu perdant-perdant en gagnant-gagnant.

Conclusion

La théorie des jeux nous enseigne que nos choix répondent aux stratégies, intentions et anticipations des autres. Que ce soit en économie, en politique ou dans la vie quotidienne, cette approche aide à mieux comprendre les interactions humaines. Mieux encore : elle nous invite à penser au-delà de l’intuition, vers une stratégie plus consciente et plus coopérative.

Sources

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